Une question essentielle

Quelle convergence entre l’ascète yogi tibétain Milarepa et Madame Guyon, la grande mystique chrétienne ? entre Ramana Maharshi et le célèbre soufi Al-Hallâj ? Quel dénominateur commun à ces êtres hors de l’ordinaire qui, de façons apparemment tellement différentes, ont gravi les échelons menant à la réalisation ultime ? Ne s’agit-il pas d’une question de la plus haute importance ? s’interroger sur ce qu’est le cœur d’une pratique ?

Maître Ikkyu : L’attention

L’importance de l’unité spirituelle ou de l’attention pure est illustrée par l’anecdote suivante :

Un jour, un homme du peuple dit au Maître  Ikkyu :
—       Maître, vous plairait-il d’écrire pour moi quelques maximes
 de la plus haute sagesse ?
Ikkyu prit immédiatement son pinceau et écrivit le mot « Attention ».
—       C’est tout ? demanda l’homme. N’ajouterez-vous pas quelque 
chose ?
Ikkyu écrivit alors deux fois de suite : « Attention. Attention. »
Irrité, l’homme lui dit :
—       Je ne vois vraiment pas beaucoup de profondeur ou de subtilité dans ce que vous venez d’écrire.
Alors Ikkyu écrivit le même mot trois fois de suite : « Attention. Attention. Attention. »
L’homme, presque en colère, demanda : Que signifie ce mot, en fin de compte ?
Et Ikkyu répondit gentiment : Attention signifie attention.

Pour l’homme ordinaire, dont l’esprit est un échiquier de réflexions, d’opinions et de préjugés contradictoires, la pure attention est pratiquement impossible ; sa vie se fonde donc non sur la réalité elle-même mais sur les idées qu’il se fait d’elle. En fixant l’esprit tout entier sur chaque objet et chaque action, le zazen le dépouille des pensées importunes et nous permet d’avoir un rapport absolu avec la vie.

Le zazen assis et le zazen en mouvement sont deux fonctions également dynamiques et qui se renforcent mutuellement. Celui qui pratique chaque jour le zazen assis, l’esprit libre de toutes pensées discriminatoires, a moins de peine à se consacrer de tout son cœur à ses tâches quotidiennes, et celui qui accomplit chaque action avec une attention totale et une conscience lucide a moins de peine à atteindre au vide de l’esprit lorsqu’il s’adonne à la méditation.

Philip Kapleau Roshi (Les trois Piliers du Zen)

Georges Gurdjieff : Personne n’a le droit de se dire Chrétien

« Personne n’a le droit de se dire Chrétien, s’il n’accomplit dans sa vie les préceptes du Christ. Un homme peut dire qu’il désire être Chrétien, s’il s’efforce d’accomplir ses préceptes. S’il n’y pense même pas, ou s’il en rit, ou s’il les remplace par quelque chose de son invention, ou simplement s’il les oublie, il n’a aucun droit de se dire chrétien…
Les gens se disent chrétiens, mais sans comprendre qu’ils ne le veulent pas, qu’ils ne le peuvent pas, parce que, pour être Chrétien, ne suffit pas de le désirer, il faut encore en être capable.
« L’homme, en lui-même, n’est pas un, il n’est pas « Moi », il est  » nous « , ou, pour parler plus rigoureusement, il est « eux ». Tout en découle. Supposons qu’un homme veuille, selon l’Évangile, tendre la joue gauche, après avoir été frappé sur la joue droite. Mais c’est un seul de ses « moi » qui prend cette décision, soit dans le centre intellectuel, soit dans le centre émotionnel. Un « moi » veut, un « moi » s’en souvient, les autres n’en savent rien.
Imaginons que la chose se produise réellement: Un homme a été souffleté. Pensez-vous qu’il tendra sa joue gauche? Jamais. Il n’aura même pas le temps d’y penser. Ou bien il giflera à son tour l’homme qui l’a frappé, ou bien il appellera un agent, ou bien il s enfuira ; son centre moteur réagira comme il en a l’habitude, ou comme il lui a appris à le faire — bien avant que l’homme se rende compte de ce qu’il fait.
Pour pouvoir tendre la joue gauche, il faut avoir été instruit pendant longtemps, il faut s’être entraîné avec persévérance. Car, si la joue est tendue mécaniquement cela encore n’a aucune valeur ; l’homme tend sa joue parce qu’il ne peut pas faire autrement. »

– La prière ne peut-elle pas aider un homme à vivre comme un Chrétien? demanda quelqu’un.
– Je l’ai déjà dit : cela dépend de celui qui prie, répondit Gurdjieff. On doit apprendre à prier, exactement comme on doit apprendre toutes les autres choses. Pour celui qui sait prier et qui est capable de se concentrer de la bonne façon, la prière peut donner des résultats.
Mais comprenons qu’il y a différentes prières, et que leurs résultats sont différents. Cela est bien connu, même de la liturgie ordinaire. Mais lorsque nous parlons de la prière, ou de ses résultats possibles, nous ne considérons qu’une sorte de prière – la demande ; ou bien nous pensons que la demande peut s’associer à toutes les autres sortes de prières. Évidemment, ce n’est pas vrai. La plupart des prières n’ont rien de commun avec des demandes. Je parle des anciennes prières, dont beaucoup remontent plus haut que le Christianisme. Ces prières sont pour ainsi dire des récapitulations, en se les répétant, à haute voix, ou mentalement, l’homme s’efforce d’éprouver tout leur contenu, avec sa pensée et son sentiment.
Par ailleurs, un homme peut toujours composer des prières nouvelles à son propre usage. Il dira, par exemple: « Je veux être sérieux ». Tout dépend de la façon dont il le dira. Le répéterait-il dix mille fois par jour, s’il se demande quand il en aura fini, et ce qu’il aura ensuite pour dîner, cela ne s’appelle pas prier, mais se mentir a soi-même.
Cependant, ces mêmes paroles peuvent devenir une prière, si l’homme les récite ainsi:
« JE » – et en même temps il pense à tout ce qu’il sait sur  » Je ». Ce « Je » n’existe pas, il n’y a pas un seul  » Je « , mais une multitude de petits » moi » revendicateurs et querelleurs. Pourtant, il veut être un vrai  » Je »; il veut être le maître. Et il se souvient de la voiture, du cheval, du cocher et du maître. « Je » est le maître.
« VEUX » – et il pense à la signification de « Je veux « . Est-il capable de vouloir? En lui constamment,  » ça veut » et « ça ne veut pas »; mais il fera l’effort d’opposer à  » ça veut » et  » ça ne veut pas » son propre  » je veux », qui est lié au but du travail sur soi. En d’autres termes, il tâchera d’introduire la troisième force dans la combinaison habituelle des deux forces: « ça veut » et  » ça ne veut pas ».
« ETRE » – il pensera à ce que cela signifie,  » être ». L’être d’un homme automatique, pour qui tout arrive. Et l’être d’un homme qui peut faire. Il est possible d’ « être » de bien des façons. Il veut » être » non pas seulement dans le sens d’exister, mais dans le sens de grandeur, de pouvoir avec grandeur. Alors le mot » être » prend un poids, un sens nouveau pour lui.
« SÉRIEUX » – il s’interroge sur la signification de ces mots:  » être sérieux ». La manière dont il se répond est très importante. S’il comprend ce qu’il dit, s’il est capable de se définir correctement ce que cela veut dire, « être sérieux « , et s’il sent qu’il le désire vraiment, alors sa prière peut avoir des résultats: d’abord il peut en recevoir une force, ensuite il pourra plus souvent remarquer à quels moments il n’est pas sérieux, enfin il aura moins de peine à se vaincre lui-même. Donc sa prière l’aura aidé à devenir sérieux.

« De la même manière, un homme peut prier:  » Je veux me rappeler moi-même ».
 » ME RAPPELER » – que signifie » se rappeler » ? L’homme doit penser à la mémoire – combien peu il se rappelle! Comme il oublie souvent ce qu’il a décidé, ce qu’il a vu, ce qu’il sait! Toute sa vie changerait, s’il pouvait se rappeler. Tout le mal vient de ses oublis.
 » MOI-MEME » – de nouveau il fait un retour sur soi. Quel » moi » désire-t-il se rappeler? Cela vaut-il la peine de se rappeler soi-même en entier? Comment peut-il discerner ce qu’il veut se rappeler? L’idée du travail : comment parviendra-t-il à se relier plus étroitement au travail? Et ainsi de suite.
« Dans le culte chrétien, il y a d’innombrables prières exactement semblables à celles-ci, où il est nécessaire de réfléchir sur chaque mot. Mais elles perdent toute portée, toute signification, lorsqu’elles sont récitées ou chantées mécaniquement.
« Considérons la prière bien connue: « Seigneur ayez pitié de moi ». Qu’est-ce que cela veut dire? Un homme lance un appel à Dieu. Est-ce qu’il ne devrait pas penser un peu, est-ce qu’il ne devrait pas faire une comparaison, se demander ce que Dieu est, et ce qu’il est lui-même? Puis, il demande à Dieu d’avoir pitié de lui. Mais il faudrait que Dieu pense à lui, le prenne en considération. Or cela vaut-il la peine de le prendre en considération? Qu’y-a-t-il en lui qui soit digne que l’on y pense? Et qui doit penser à lui? Dieu-même.
Vous le voyez, toutes ces pensées, et bien d’autres encore, devraient traverser son esprit lorsqu’il prononce cette simple prière. Et ce sont précisément ces pensées qui pourraient faire pour lui ce qu’il demande à Dieu de faire. Mais à quoi pense-t-il, et quels résultats sa prière peut-elle avoir, quand il répète comme un perroquet: Seigneur, pitié ! Seigneur, ayez pitié ! Seigneur, ayez pitié ! Vous savez bien que cela ne peut donner aucun résultat.
P. D.Ouspensky: Fragment D’un enseignement inconnu selon l’enseignement de G . Gurdjieff

Swami Ramdas : Prière

O Protecteur de l’univers, Divin plein d’amour, élève Ton esclave hors de la conscience d’une vie étroite en un corps périssable. Fais lui réaliser Ton amour infini. 0 Râmdâs, monte, monte par-delà les limites étroites que toi-même tu t’es tracées. Tout amour et toute bonté, Râm te dit: «  Ne tarde pas ; Mon enfant, lève-toi ; voici Ma main, saisis-la et sors de la servitude en laquelle tu vis. »

0 Amour; ô Vie universelle, ô Mère, ô Râm, comme il est merveilleux. de se baigner sans cesse dans le soleil de Ton rayonnant amour.

0 Râmdâs, tu es en Râm et hors de Lui. Tu es partout avec Lui ; Il est partout avec toi. Il ne peut te quitter, tu ne peux Le quitter. Il est lié à toi et tu es lié à Lui. Tu es en Sa garde; Il est en ta garde. Il ne peut se passer de toi, tu ne peux te passer de Lui. II vit en toi et tu vis en Lui.

Cependant tu es Son esclave et II est ton Protecteur.

0 Râm, Tu es deux, mais Tu es un. L’amant et l’Aimé, étroitement embrassés, deviennent un. Deux deviennent un et l’Un demeure, éternel, infini, l’Amour.

Râmdâs, éveille-toi, secoue-toi, ne te relâche jamais dans ton progrès.

0 esprit, sois à jamais ferme et fixé sur Râm. Pour toi, toute autre occupation est inutile, entièrement. En ta quête de Râm, que nulle opinion du monde ne te trouble. Quand Râm est tien; tu n’as besoin de rien. Reste avec Râm toujours et tes paroles, tes actions, tes pensées sont toutes Siennes.

Litanies de Swâmi Râmdas (extraits de « Carnet de pèlerinage » Albin Michel)

Ansari de Hérat mystique persan, Maitre Soufi

Seigneur, moi, un mendiant, je Te demande plus que n’en peuvent demander mille rois. Chacun a à Te demander quelque chose dont il a besoin. Moi, je viens Te demander de me donner Toi-Même.

Ansari de Hérat – mystique persan

Elisabeth de la Trinité, Sainte Catherine de Sienne: Prières des grandes Mystiques Chrétiennes

O Mon Dieu, Trinité que j’adore, aidez-moi à m’oublier entièrement, pour m’établir en vous immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l’éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m’emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère !

Pacifiez mon âme ; faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière, toute éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à votre action Créatrice. (..)

Immensité où je me perds, je me livre à Vous comme une proie, ensevelissez-vous en moi pour que je m’ensevelisse en Vous, en attendant d’aller contempler en votre lumière l’abîme de vos grandeurs.
Elisabeth de la Trinité

Le chercheur doit constamment revenir à son sentiment pour le secourir et pour unir son esprit et son corps. Il lui faut continuellement porter en lui un état de respect dévotionnel comme support dans ses épreuves et ses tribulations.

Il doit toutefois être sur ses gardes et ne pas confondre le sentiment avec la “sentimentalité” ou l“émotion” qui, toutes deux, s’avèrent épuisantes et se révéleront n’être d’aucune aide pour lui apporter la tranquillité intérieure dont il a tant besoin pour ses pratiques spirituelles.

Quand l’aspirant réussit, durant ses séances de méditation ou ses autres exercices de concentration effectués dans la vie active, à être uni en lui-même, c’est-à-dire que son sentiment, son esprit et son corps se trouvent en accord pour le soutenir dans ce mystérieux travail sur lui-même, il peut lui arriver, à certains moments, de pressentir un avant-goût de ce que pourrait être un présent éternel. Et même si, au début, cette expérience qui sort de l’ordinaire ne dure que très peu de temps avant de s’évanouir, elle laissera cependant en son être une trace indélébile qui jouera un rôle capital dans tout ce qu’il entreprendra dans l’avenir.
Salim Michael  » Les fruits du chemin de L’Eveil  »

S

O Trinité éternelle, Vous êtes une mer profonde où, plus je cherche, plus je trouve ; et plus je trouve, plus je cherche encore.

En rassasiant l’âme, vous ne la rassasiez jamais ; elle est toujours avide, toujours affamée de Vous, ô Trinité éternelle, parce qu’elle désire voir votre lumière dans votre lumière. Comme le cerf altéré soupire après l’eau des fontaines, de même mon âme désire sortir de son obscure prison pour Vous contempler tel que vous êtes dans la plénitude de votre Etre. Votre visage sera-t-il encore longtemps caché à mes regards ?

O Trinité éternelle, feu et abîme de charité, dissipez le nuage de mon corps ; car la connaissance que vous m’avez donnée de Vous-même me remplit de votre vérité et me force à souhaiter la délivrance de mes liens terrestres ; elle me rend avide de donner cette vie pour l’honneur et la gloire de votre nom, parce que j’ai goûté et j’ai vu avec mon intelligence, dans votre lumière, l’abîme de vos grandeurs et la beauté de votre créature : l’âme. Voyant en Vous, j’ai vu que j’étais faite à votre image, puisque vous m’avez fait participer à votre puissance.

Prière de Sainte Catherine de Sienne 

Jacques Lusseyran : Le mécanisme de l’attention

Le mécanisme de l’attention me fait songer à celui de la mémoire. De même que les premières notes d’une mélodie, retrouvées par hasard, s’accrochent aux suivantes et ressuscitent la musique toute entière, de même la première perception attentive provoque la venue — le retour, devrais-je dire — d’une portion tout entière du monde. Le retour, oui : l’univers apparaît à la façon d’un souvenir. Le paysage que je découvre, que je suis venu jusque dans la lointaine Amérique pour tenir devant moi, il m’attendait quelque part, je le contenais depuis toujours. Ma perception d’aujourd’hui ne fait que l’actualiser, le rendre urgent. L’attention révèle cette absolue préexistence de toutes les parties du monde en moi.

Préexistence ou coexistence? Je n’en déciderai pas. Mais à coup sûr, familiarité totale, mouvement continu de toute chose à toute autre. C’est une grande merveille : je ne puis nommer le fait autrement. Elle rend compte de tout, et même du remplacement instantané — la plus étrange de mes expériences — des sensations visuelles par toutes les autres.

Cet amour, cette circulation de la sève primordiale à travers toutes les fibres de la création, les poètes la voient. C’est pourquoi j’aime tant les poètes. C’est pourquoi j’ai tant d’indulgence envers leurs défauts, et même leurs échecs. Cela au moins qui est essentiel, ils le savent.

Philosophes et savants, il est vrai, le savent aussi. Mais ils placent le foyer de leur attention trop près de leur visage ou de leur pensée pour attraper la mélodie entière du monde : ils n’en saisissent que des fragments. De là, bien des discordances, parfois même de la cacophonie.

Les poètes, eux, portent leur attention très loin, si loin quelquefois qu’il nous est malaisé de les suivre. Ils assistent à des fiançailles, à des mariages partout, ils ont une tendresse sans fin pour les relations les plus distantes : entre les idées et les objets, les hommes et les pierres.

S’ils ne voient pas tout, s’ils ne possèdent pas la connaissance pleine, c’est peut-être simplement qu’ils parlent. Les mots font retomber leur vision en poussière. Les mots les plus beaux, les plus rares n’ont ici aucun privilège : ils diminuent, eux aussi, tout ce qu’ils touchent.

Et moi, qui voudrais vous dire, avec des mots, cette expérience que j’ai de la simplicité du réel, je la diminue moi aussi : la voici toute petite dans mes mains.

Pourtant elle n’est ni petite ni confuse : c’est sur elle que je vis. C’est elle que je respire. C’est de me la rappeler, cette expérience, aussi souvent que je le peux, que je prends le courage d’exister. Mon courage n’est pas à moi, il est dans la vie. À moi de l’accepter ou de la refuser : c’est tout.

Jacques Luseyran , grand resistant francais pendant la guerre (39-45) est devenu aveugle à la suite d’un accident à l’age de 8 ans.

Texte tiré du livre de Jacques Lusseyran, Le monde commence aujourd’hui

Nada Yoga, le yoga du Son – Edouard Salim MICHAEL, Ajahn SUMEDHO et Ajahn AMARO

Le Nada Yoga est une forme de méditation particulière qui exige une concentration intense sur un certain son que l’aspirant peut percevoir à l’intérieur des oreilles et de la tête s’il arrive à créer suffisamment de silence en lui-même. Mais cette forme de méditation — comme toute autre d’ailleurs — risque de perdre sa valeur si elle est pratiquée de manière passive, car le chercheur peut finir par s’habituer à entendre ce précieux son dans ses oreilles, mais sans être vraiment présent et concentré sur lui. Il faut qu’il soit continuellement conscient qu’il est en train de l’écouter et ne pas simplement se satisfaire de l’entendre résonner en lui.
Il peut méditer d’une façon superficielle sans s’en rendre compte. Ce son mystérieux sera là en lui pendant qu’il essaiera de méditer, mais lui-même sera, pour ainsi dire, absent, en train de rêvasser sans s’en apercevoir, ou même d’être bercé dans un état d’agréable et de très subtile torpeur qui le dupe et lui donne la fausse impression d’être dans un état de tranquille félicité.
Edouard Salim MICHAEL –

Pour en savoir plus sur le Nada Yoga, Edouard Salim MICHAEL en a fait il y a 40 ans une description minutieuse dans 4 chapitres de son premier ouvrage : la Voie de la Vigilance intérieure

Le Nada Yoga ou encore appelé le Yoga du son est un support inestimable, toujours présent en chacun de nous, car il possède une continuité qui justement nous fait défaut.

Ajahn Sumedho abbé d’Amaravati, monastère Théravada dans la tradition de la forêt : J’avais découvert ce son intérieur de nombreuses années auparavant, mais je n’avais jamais rien lu ni entendu à ce sujet dans le Canon Pâli. J’avais développé une pratique de la méditation utilisant cette vibration intérieure et j’en avais tiré de grands bénéfices pour le développement d’une vigilance attentive et d’un lâcher prise de toute pensée. Cela m’ouvrit une perspective de conscience transcendante grâce à laquelle il est possible d’observer les états mentaux qui surgissent et disparaissent dans l’esprit.

Et aussi Ajahn Amaro: C’est une pratique qui est connue des traditions bouddhistes, védiques et autres comme étant une discipline puissante et libératrice, et c’est aussi celle que j’ai mise en pratique avec le plus grand profit depuis plus de vingt cinq ans. ”

Ajahn Amaro, co-abbé du monastère d’Abhayagiri dans la lignée de la forêt de la tradition bouddhiste Théravada.

L’Origine du cosmos

L’idée du corps humain — qui est un étonnant instrument que nul être humain ne pourrait reproduire — a dû préalablement prendre forme dans l’esprit d’un Penseur Insondable avant de se voir concrétisée dans le monde tangible. Et, sur une échelle inimaginablement plus vaste, il en est de même pour la création du Cosmos tout entier avec son espace incommensurable et les myriades d’astres célestes qui l’habitent.

Aussi, s’avère-t-il impossible pour l’être humain de parvenir à appréhender la véritable origine de cette manifestation si troublante par la simple étude de ses différents constituants et composants chimiques.
La technologie peut même lui procurer des moyens ingénieux lui permettant de descendre au niveau le plus élémentaire de la matière pour découvrir les particules infinitésimales qui la constituent, sans pour autant lui apporter une réponse satisfaisante à cette question déconcertante.

De manière analogue, il serait absurde de tenter de comprendre d’où a surgi un chef-d’oeuvre pictural par l’unique analyse des matériaux de son support et des différentes couleurs utilisées. On pourrait même arriver à découvrir la toute première ligne tracée sur la toile sans s’approcher davantage de la réponse souhaitée. On serait tout simplement en train d’oublier le grand peintre qui en était l’auteur !

En raison de toutes les extraordinaires découvertes scientifiques récentes sur le Cosmos et la Création, l’aspirant doit prendre garde de ne pas se trouver à son insu piégé par certaines influences qui sèmeraient en lui l’incertitude, rendant ainsi tiède la manière dont il aborde sa quête et ses pratiques de méditation — avec même des doutes conscients ou inconscients sur le but qu’il cherche à atteindre.

Il lui faut, par une réflexion approfondie, en arriver à appréhender que toute création visible a dû exister à l’état latent d’abord, avant de se manifester concrètement dans le monde tangible.
Il se trouvera alors confronté à une énigme déconcertante : dans l’Esprit de quel Penseur Enigmatique était-elle enfouie au départ ?

Edouard Salim Michael Les fruits du chemin de l’Eveil

Jean Staune « Science et sens » Rencontre entre les connaissances les plus récentes et des intuitions

C’est une caractéristique fondamentale de la condition humaine que de s’interroger sur le pourquoi des choses qui nous entourent et sur notre propre destinée.

« La crainte devant les mystères du Cosmos et les manifestations impressionnantes de la Nature et la peur, plus obsédante, de la mort, sont les compagnes inséparables des humains, et aucun bonheur véritable n’est possible aussi longtemps que leurs ombres se projettent sur notre existence. Il faut donc se délivrer de ces craintes. ‘’ Bernard Pullman

Tout ce qui existe est issu des interactions des constituants fondamentaux de l’Univers, qui au cours de milliards d’années se sont lentement agrégés les uns aux autres sous l’influence des lois physico-chimiques connues ou de lois que l’on découvrira bientôt. Certes ce qu’il y a à découvrir encore est certainement immense, mais l’essentiel est acquis : la cause de tout ce qui existe dans notre Univers provient de notre Univers.

 Comment pourrait-il en être autrement ? De quel autre endroit pourrait-elle provenir ? « Circulez, il n’y a rien (d’autre) à voir !  » nous dit la « science classique », rien d’autre que cet Univers, que ce niveau de réalité où nous vivons, immergés dans le temps, l’espace et la matière. Comment aller plus loin ? Comment dépasser cette vision qui, aussi riche soit-elle, « clôture » notre réel, le rendant justement indépassable. Nous sommes donc bien arrivés à une fin dans cette grande quête de la compréhension de la condition humaine que l’homme poursuit des grottes du Pléistocène aux scientifiques du XXème siècle en passant par les penseurs grecs.

Physique quantique

Einstein montra que la lumière, qui était composée d’ondes, comme l’avait démontré Young était aussi composée de particules de masse nulle, les photons.

Le principe d’incertitude d’Heisenberg en démontrant qu’on ne peut à la fois connaître la position et la vitesse d’une particule porte un coup fatal au déterminisme classique. Louis de Broglie en découvrant que, comme la lumière, la matière aussi a une nature double, ondulatoire et corpusculaire, se livre à une véritable « dématérialisation de la matière ».

 Tous les composants fondamentaux de la matière se comportent tantôt comme des objets matériels ponctuels, tantôt comme des ondes pouvant emprunter deux trajets différents à la fois.

C’est pourquoi Heisenberg dira que les particules élémentaires sont moins réelles que des choses mais plus que l’idée d’une chose. Il s’agit pourtant des bases de tout ce qui nous entoure.

Mais la révolution quantique ne s’arrête pas là. En 1935 Einstein et deux de ses collaborateurs Podolsky et Rosen, montrent que si l’on suit jusqu’au bout les prédictions de la mécanique quantique il existe des situations où deux particules sont « non-séparables », où tout ce qui arrive à l’une se répercute instantanément sur l’autre, quelque soit la distance qui les séparent.

Ce qu’Einstein, contrairement à Niels Bohr, croyait impossible à cause du caractère fini de la vitesse de la lumière. Mais à partir des années 70, et surtout avec l’expérience d’Alain Aspect en 1983, les évidences s’accumulèrent. Aujourd’hui personne ne met en doute l’existence de ce lien mystérieux entre deux particules qui semble transcender le temps et l’espace.

 Ce concept du réel « lointain » ou « voilé » fait référence au fait que l’existence d’au moins un (et peut-être de plusieurs) autre niveau de réalité est nécessaire pour expliquer la réalité où nous vivons.

 L’astrophysique en posant ouvertement la question (même si elle ne fournit pas la réponse !) de l’existence d’un créateur va encore plus loin comme le montre les propos de Freeman Dyson « Je ne me sens pas étranger à l’univers, plus je l’examine et étudie en détail son architecture, plus je découvre de preuves qu’il attendait sans doute notre venue»

ou ceux de Trinh Xuan Thuan commentant le dilemme dans lequel nous laisse le principe anthropique (univers unique avec un créateur ou infinité d’univers parallèles où règne le hasard) : « Je rejette l’hypothèse du hasard parce qu’en dehors du non-sens et de la désespérance qu’elle entraîne, je ne puis concevoir que l’harmonie, la symétrie, l’unité, la beauté que nous percevons dans le monde, des contours délicats d’une fleur à l’architecture majestueuse des galaxies, mais aussi de manière beaucoup plus subtile et élégante, dans les lois de la nature, soient le fait du hasard.

Si nous acceptons l’hypothèse d’un seul univers, le nôtre, nous devons postuler l’existence d’une cause première qui a réglé d’emblée les lois physiques et les conditions initiales pour que l’univers prenne conscience de lui-même.

La science ne pourra jamais distinguer entre ces deux possibilités : l’univers unique avec un créateur ou une infinité d’univers sans créateur. Jamais elle ne pourra aller au bout du chemin. Le résultat magique de Gödel nous a montré les limites de la raison. Il nous faut donc faire appel à d’autres mode de connaissance comme l’intuition mystique ou religieuse, informée et éclairée par les découvertes de la science moderne. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : l’univers ne nous est plus distant, étranger, mais intime et familier. »

 Car, quelle que soit sa religion, qu’attend un spiritualiste des progrès de la connaissance ?

 Certainement pas que la Science lui démontre l’existence de Dieu, ou d’un principe créateur !

Car si celui-ci existe, il est clair, en regardant le monde qui nous entoure, que celui-ci respecte notre liberté de ne pas croire en lui.

Par contre, il s’attend à ce que la science montre que le monde où nous sommes n’est pas ontologiquement suffisant, ne se suffit pas à lui-même. Que d’autres niveaux de réalité existent, que le temps et l’espace ne sont plus des absolus et que donc une « sortie », hors du temps et de l’espace est possible. Que la question du créateur se pose au cœur même de la science et n’est pas laissée aux seuls philosophes.

Il espérera aussi détecter des indices dans les sciences biologiques selon lesquelles l’apparition et l’évolution de la vie ne sont pas dû pur hasard. Il prévoira que l’homme possède une dimension plus vaste que s’il était purement neuronal, il postulera que l’univers où nous sommes n’est pas soumis à un déterminisme aveugle, que le libre arbitre y a sa place. Peut-être même pensera-t-il trouver un signe montrant que la Vérité est un concept transcendant, que certaines notions ne sont pas des inventions humaines mais nous pré-existent.

Or nous venons de voir qu’il peut trouver tout cela dans l’évolution actuelle des connaissances ! Le concept peut-être le plus important pour le croyant, c’est cette incomplétude, qui n’a rien à voir avec celle qui justifiait l’existence d’un « Dieu bouche-trou » à l’époque pré-scientifique (on ne comprend pas ce phénomène donc il doit être dû à l’action de Dieu), ce que les anglo-saxons appellent « The God of the Gaps » Non, aujourd’hui c’est exactement l’inverse : on sait très bien pourquoi on ne saura jamais certaines choses : pourquoi on ne connaîtra jamais la vitesse et la position d’une particule au même moment, pourquoi on ne bâtira jamais un système logique complet et cohérent, pourquoi on ne pourra jamais prédire le temps qu’il fera dans un mois etc

Non, il n’est pas absurde de penser que l’univers a été créé pour que s’y déroule un vaste projet.

Oui, il est possible que l’émergence d’une conscience capable d’appréhender l’Univers, d’apprécier sa beauté et de rechercher son sens ait été attendue depuis le Big Bang.

Oui on peut penser que les intuitions majeures que l’on retrouve derrière les grandes traditions humaines ne sont pas des illusions et que les grandes révélations véhiculées par certaines d’entre elles ne sont pas d’origine humaine.

Richard Dawkins insiste souvent sur le fait qu’on ne pouvait être un « athée intellectuellement comblé » qu’après la publication de « l’origine des espèces » par Darwin en 1859. Car auparavant il manquait une pièce au puzzle : une théorie expliquant par des causes purement naturelles l’origine des êtres vivants.

Grâce à l’extraordinaire retournement de situation que nous avons décrit, il est maintenant possible d’être un  «croyant intellectuellement comblé ». Non, la foi en une religion n’est pas un concept absurde et pré-scientifique.

Jean Staune « Science et sens » – Rencontre entre les connaissances les plus récentes et des intuitions millénaires.


Henri Le Saux, Swamiji, un voyage intérieur en route vers le silence des Origines

Entre Christianisme et Hindouisme : l’Expérience intérieure