Ajahn Chah : Pourquoi sommes nous ici ?
Le Bouddha dit de trouver notre propre refuge. Ce qui veut dire trouver notre vrai coeur. Le coeur est vraiment important. La plupart du temps, les gens ne regardent pas les choses importantes, ils passent leur temps à regarder des choses sans importance. Par exemple, quand ils balayent la maison, lavent la vaisselle, etc., leur but c’est la propreté. Ils lavent les plats pour les nettoyer, ils veulent tout nettoyer… mais ils oublient de voir que leur propre coeur n’est pas vraiment propre. Cela s’appelle « avoir besoin d’un refuge mais prendre seulement un abri temporaire ». Ils embellissent leur maison, embellissent ceci et cela, mais ils ne songent pas à embellir leur propre coeur. Ils n’examinent pas la souffrance. C’est pour cela que ce coeur est la chose importante.
Le Bouddha nous a pressé de trouver un refuge dans nos coeurs: attahi atano natho – « Faites de vous-mêmes un refuge pour vous-mêmes ». Qui d’autre peut être un refuge? Ce qui est un vrai refuge c’est notre coeur, rien d’autre. On peut essayer de dépendre d’autres choses mais ce ne sont pas des choses sûres. On ne peut dépendre d’autres choses que si l’on a déjà un refuge en soi. Il nous faut d’abord avoir un refuge. Avant de pouvoir dépendre d’un maître, d’une famille, d’amis ou de parents, il faut que l’on fasse de soi un refuge.
Alors aujourd’hui, vous tous laïcs et moines qui êtes venus pour nous rendre visite et présenter vos hommages, recevez s’il vous plaît cet enseignement et contemplez-le. Demandez-vous: « Qui suis-je? Pourquoi suis-je ici? » Demandez-vous souvent: « Pourquoi suis-je né? » Certaines personnes n’en savent rien. Elles désirent être heureuses mais la souffrance n’a pas de fin. Riches ou pauvres, les gens souffrent. Qu’ils soient jeunes ou vieux, ils souffrent encore. Tout cela c’est de la souffrance. Et pourquoi? Parce qu’ils n’ont pas la sagesse. S’ils sont pauvres, ils sont malheureux parce qu’ils sont pauvres; s’ils sont riches, ils sont malheureux parce qu’ils sont riches; il y a trop de choses dont il faut s’occuper. ()
Ce sont des choses à contempler avec un sens de l’urgence; tant que nous sommes encore vigoureux, nous devrions commencer à pratiquer. Si vous voulez acquérir des mérites, alors dépêchez-vous de vous y mettre. Mais la plupart des gens laissent cela aux gens d’un certain âge. Les gens attendent d’être âgés avant d’aller au monastère étudier le Dhamma. Les hommes et les femmes sont pareils: « Attends que je devienne vieux en premier. » Je ne sais pas à quoi ils pensent. Est-ce qu’une personne âgée a encore de l’énergie? Mesurez-vous à la course avec quelqu’un de jeune et voyez pour vous-mêmes. Pourquoi attendre d’être vieux? Comme s’ils n’allaient jamais mourir ! Quand ils atteignent 50 ou 60 ans, ils disent: « Hé, grand-mère! Allons au monastère. » « Oh, mes oreilles n’entendent plus très bien! » Vous voyez? Quand ses oreilles fonctionnaient bien, qu’écoutait-elle? « Cela me dépasse! » Juste perdre son temps à cueillir des baies. Finalement quand ses oreilles n’entendent plus, elle va au monastère. C’est sans espoir. Elle écoute l’exposé mais n’a pas idée de ce qui se dit. Les gens attendent d’être usés jusqu’à la corde avant de songer à pratiquer.
Dans le passé, mes jambes pouvaient courir. Maintenant rien que de me promener par là les rend lourdes. Avant, mes jambes me portaient; maintenant je dois les porter. Quand j’étais enfant, je voyais de vieilles gens se lever de leurs sièges en disant « ouille! », s’asseoir en disant « ouille! ». Même quand les choses en arrivent là, ces personnes n’apprennent toujours pas. En s’asseyant, elles disent « ouille! », en se levant « ouille! ». Il y a toujours ce « ouille! ». Mais elles ne savent pas ce qui leur fait dire « ouille! » comme cela. Il n’y a que « ouille! … ouille! ».
Même quand les choses en arrivent là, les gens ne voient toujours pas le fléau qu’est le corps. Nous ne savons jamais quand nous en serons séparés. Ce qui nous cause toute cette douleur, ce sont simplement les sankharas (phénomènes conditionnés) qui suivent leur cours naturel. Les gens pensent qu’il s’agit de rhumatismes, d’arthrite, de goutte, etc. Le docteur vient et vous donne un médicament mais la douleur ne s’en va jamais vraiment. A la fin, tout s’écroule, même le docteur! Ce sont les sankharas qui suivent leur déclin selon leur nature. C’est leur manière d’être, leur nature.
Par conséquent, frères et soeurs, regardez bien. Si vous voyez cela à l’avance, tout se passera bien pour vous, comme de voir à temps un serpent venimeux qui se trouve devant nous. Si nous le voyons à temps, alors nous pouvons nous écarter de son chemin et il ne nous mordra pas. Si nous ne le voyons pas, nous continuerons à marcher droit sur lui et nous lui marcherons dessus. Et alors il nous mordra. Ensuite survient la douleur et nous ne savons pas vers qui aller. Où irez-vous pour vous faire soigner cela? La seule chose que les gens veulent c’est de ne pas avoir à souffrir. Ils veulent être sans souffrance, mais ils ne savent pas comment soigner cette souffrance quand elle survient. Et ils vivent ainsi jusqu’à ce qu’ils deviennent vieux, malades, et meurent. ()
Quand vous êtes aux champs ou que vous faites le jardin, considérez ces paroles… « Pourquoi suis-je né? » « Que puis-je emporter avec moi? »
Reposez-vous la question sans cesse. Quiconque se pose souvent cette question deviendra sage. Celui qui ne se la pose pas restera ignorant.
Ajahn Chah moine Theravada , Tradition moine de la Foret, 1981 dans le Nord-est de la Thaïlande
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