Une question essentielle
Quelle convergence entre l’ascète yogi tibétain Milarepa et Madame Guyon, la grande mystique chrétienne ? entre Ramana Maharshi et le célèbre soufi Al-Hallâj ? Quel dénominateur commun à ces êtres hors de l’ordinaire qui, de façons apparemment tellement différentes, ont gravi les échelons menant à la réalisation ultime ? Ne s’agit-il pas d’une question de la plus haute importance ? s’interroger sur ce qu’est le cœur d’une pratique ?
Ajahn Sumedho : Attention et liberation
/0 Commentaires/dans Attention et concentration, Bouddhisme TheravadaNous savons tous que l’attention est un des outils les plus précieux pour le développement spirituel. Nous savons peut-être aussi qu’il y a différentes sortes d’attentions. En prenant comme perspective la libération spirituelle, nous pouvons dire qu’il y a deux sortes principales d’attention : l’attention juste et l’attention erronée.
L’attention juste mène à une libération du soi, tandis que l’attention erronée conduit à un emprisonnement encore plus profond dans le soi !
Ces deux sortes d’attention se distinguent par : a) l’attitude qui motive son développement, et b) la manière dont elle est développée. Pour correspondre à l’attitude juste, le développement de l’attention doit être pratiqué comme un outil pour la réalisation de la libération. Cela ne veut pas dire développer l’attention simplement avec le désir d’atteindre la libération, mais plutôt développer l’attention dans le cadre juste conduisant à la libération.
Par exemple, dans les enseignements du Bouddha, l’attention (sati) est contenue dans la pratique du Noble Octuple Sentier. Un des facteurs dans ce sentier est « l’attitude ou aspiration juste », c’est-à-dire, l’aspiration à la renonciation, l’absence de mauvaise intention et la non-violence, qui sont des qualités constituant l’attitude juste conduisant à la réalisation de la libération. Notre pratique de l’attention est-elle motivée par ces mêmes valeurs ? Ou bien notre pratique est-elle motivée davantage par le désir d’accumuler l’agression et la violence envers nous-mêmes ?
La façon de développer l’attention est aussi très importante. Souvent l’attention est développée comme si elle était un esclave de l’ego ou du sentiment d’un soi. Dans ces conditions les gens deviennent seulement davantage conscients de : « je suis en train de faire », « je suis en train de penser », « je suis en train de sentir », « je fais l’expérience de différentes choses ». Ainsi, à la fin, est-on simplement en train de renforcer le concept d’un soi, étant celui qui fait, qui pense, qui ressent, qui fait des expériences, etc.
Bien sûr, initialement, l’attention se développe comme une extension de l’ego, mais, dans la pratique bouddhiste, il est nécessaire qu’elle continue à progresser jusqu’à l’état d’absence d’ego, d’attention transpersonnelle, pour pouvoir être appelée « attention juste » dans le sens bouddhiste. Cela signifie être attentif à ce qui se fait, à ce qui est pensé, ressenti, expérimenté, plutôt qu’à celui qui fait, qui pense, qui ressent, qui expérimente !
Dans le Noble Octuple Sentier l’attention est également développée en relation avec le rassemblement mental (samâdhi). Ceci donne une profondeur pénétrante à l’attention, lui permettant d’atteindre les niveaux plus profonds du mental, qui ne sont pas imprégnés de manière si insidieuse par l’influence de l’ego. Ce sont les niveaux où le « bavardage mental » est calmé. Sans concentration l’attention reste liée étroitement au domaine de ce qui intéresse l’ego – le domaine de ce que j’aime, ou de ce que je désire, ou de ce à quoi je veux bien être attentif !
Si l’attention n’est pas développée dans le contexte de la libération et n’est pas développée d’une façon qui aide et conduise vers ce but, elle est simplement réquisitionnée pour réaffirmer et renforcer l’ego.
Ajahn Sumedho
Source : Association Bouddhique Theravâda
Geshe Lobsang Dargyay : Le Bardo Thodol
/0 Commentaires/dans Bouddhisme Tibetain, Mort et reincarnationLe Bardo Thödol et sa signification dans la vie religieuse tibétaine :
Le Bardo-Thödol répète inlassablement que l’on doit se rappeler l’enseignement reçu du Lama pendant notre vie. Il s’agit de toute autre chose que d’une simple mémorisation. Il ne s’agit pas simplement d’étudier ce enseignement en le lisant quelques fois peut-être, mais il faut l’exercer jusqu’à ce qu’il nous suive dans le sommeil. En d’autres termes, l’exercice de cette méthode doit imprégner le chercheur au point qu’en toute circonstances cet enseignement lui soit présent, qu’il en rêve la nuit et qu’il aspire à se retirer dans cet exercice comme dans sa propre maison.
Cet exercice n’est pas une sorte d’exploit sportif ou spirituel, qui détend l’un, réjouit l’autre et donne une nouvelle sensation d’exister. Mais c’est un exercice où l’on s’engage avec toute sa personne, un creuset où l’on se fonde en un homme nouveau. Les mystiques chrétiens d’Occident utilisaient l’image de la main pressurant la grappe de raisin. Le Bouddhisme se sert de l’image de la fonte de l’or. Dans les deux cas, il s’agit de la même réalité. Ce qui au départ est caché au fond de l’existence d’un être est mis à nu. Cet épanouissement forcé libère l’homme, l’ouvre à une nouvelle face de lui-même — passage douloureux s’il en est. Les biographes de tous les mystiques, de quelque religion qu’ils soient, en sont le témoignage.
Pour l’exercice du Bardo-Thödol, il faut donc aussi avoir un coeur courageux, prêt à être transformé par l’exercice qui, par la pratique, devient partie intégrante de nous-mêmes. Lorsqu’à l’heure de la mort, effroi et souffrance s’approcheront, on sera certain de pouvoir réaliser l’exercice. (…)
A la fin, ces efforts qui durent toute une vie vous donnent une sûreté qu’un texte décrit avec une image très intérieure. L’élève qui entre en méditation sans crainte et aussi sûrement que l’oiseau vole à son nid ou que l’enfant saute sur les genoux de sa mère.
Extrait du Bardo-Thödol Le Livre Tibétain des Morts chez Albin Michel
Denys L Aeropagite
/0 Commentaires/dans Christianisme, L'effort justeExerce-toi sans cesse aux contemplations mystiques, abandonne les sensations, renonce aux opérations intellectuelles, rejette tout ce qui appartient au sensible et à l’intelligible, dépouille-toi totalement du non-être et de l’être et élève-toi ainsi, autant que tu le peux, jusqu’à t’unir dans l’ignorance avec celui qui est au delà de toute essence et de tout savoir.
Car c’est en sortant de tout et de toi-même, de façon irrésistible et parfait, que tu t’élèveras dans une pure extase jusqu’au rayon ténébreux de la divine Suressence, après avoir tout abandonné et t’être dépouillé de tout « .
Denys l’aeropagite
Edouard Salim Michael : La Voie de la Vigilance interieure
/0 Commentaires/dans L'effort justeC’est en raison de l’extrême difficulté qu’il y a pour l’aspirant de s’établir en permanence dans un tout autre état d’être et de conscience, lié à un sentiment très particulier de soi-même,qui lui est inhabituel, et qui lui demande un renoncement continuel à sa manière d’être et de se sentir coutumière, que l’on retrouve dans toutes les traditions religieuses l’image d’un combat.
Dans les Evangiles, il est dit que “Le Royaume des Cieux se gagne par le glaive.” Le glaive n’est-il pas précisément le symbole de la bataille que l’aspirant doit livrer contre lui-même, c’est-à-dire contre tout ce qui est indésirable en lui et qui lui barre la route menant à l’Aspect Céleste de sa double nature ?
Dans la Baghavad-Gîtâ, Krishna, le Principe Divin, exhorte son disciple Arjuna par les paroles suivantes : “À tout moment, souviens-toi de Moi et lutte.” (chap. 8,7).
Et l’on trouve dans le Dhammapada également cette même incitation : “Considérant son corps fragile comme une jarre de terre cuite, estimant son esprit solide comme une forteresse, qu’un tel homme combatte Mara avec l’épée de la sagesse.” (40).
Edouard Salim Michael
La voie de la vigilance interieure Préface
Frère Laurent de la Résurrection: Pratique de la Presence de Dieu
/0 Commentaires/dans Compassion et devotion, Mystique chrétienne« Pensons souvent, ma chère Mère, que notre unique affaire en cette vie est de plaire à Dieu ; que peut être tout le reste que folie et vanité ?
Nous avons passé plus de quarante années en religion, les avons-nous employées à aimer et servir Dieu qui, par sa miséricorde, nous y avait appelés pour cela ? Je suis rempli de honte et de confusion quand je réfléchis d’un côté sur les grandes grâces que Dieu m’a faites et qu’il continue sans cesse de me faire, et, de l’autre, sur le mauvais usage que j’en ai fait et sur mon peu de profit dans le chemin de la perfection.
Puisque, par sa miséricorde, il nous donne encore un peu de temps, commençons tout de bon, réparons le temps perdu, retournons avec une entière confiance à ce père de bonté, qui est toujours prêt à nous recevoir amoureusement.
Renonçons, ma chère Mère, renonçons généreusement pour son amour à tout ce qui n’est point lui, Il en mérite infiniment davantage ; pensons à Lui sans cesse, mettons en Lui toute notre confiance, je ne doute pas que nous n’en expérimentions bientôt les effets, et que nous ne ressentions l’abondance de ses grâces, avec lesquelles nous pouvons tout, et sans lesquelles nous ne pouvons que le péché.
Nous ne pouvons éviter les dangers et les écueils dont la vie est pleine sans un secours actuel et continuel de Dieu ; demandons le lui continuellement. Comment le demander sans être avec Lui ? comment être avec Lui qu’en y pensant souvent ? Comment y penser souvent que par une sainte habitude qu’il faut s’en former ?
Vous me direz que je vous dis toujours la même chose. Il est vrai ; je ne connais pas de moyen plus propre ni plus facile que celui-là ; et comme je n’en pratique pas d’autre, je le conseille à tout le monde. Il faut connaître avant que d’aimer ; pour connaître Dieu, il faut souvent penser à Lui ; et quand nous L’aimerons, nous y penserons aussi fort souvent car notre coeur est là où est notre trésor ! Pensons-y souvent, et pensons-y bien. »
Frere Laurent
Kabir : O Ami, garde l espoir de Lui
/0 Commentaires/dans La compréhension justeKabir
O Ami, garde l’espoir de Lui pendant que tu vis,
connais pendant que tu vis,
comprends pendant que tu vis ;
car c’est dans la vie que réside la délivrance.
Si tes liens ne sont pas brisés pendant que tu vis,
quel espoir de délivrance dans la mort ?
Ce n’est qu’un rêve vide de croire
que l’âme connaîtra l’union avec Lui
parce qu’elle aura quitté le corps ;
S’Il est trouvé maintenant, Il est trouvé alors ;
Sinon, nous ne faisons qu’aller habiter la Cité de la Mort.
Kabir poète, philosophe et mystique
Edouard Salim Michael : L Attention et son importance
/0 Commentaires/dans Attention et concentrationSon attention est le trésor le plus précieux que possède l’être humain. Il se peut que sa signification, sa force et son importance dans la vie n’apparaissent pas très évidentes, car elle est généralement utilisée d’une façon habituelle et instinctive et, par conséquent, considérée comme quelque chose allant de soi.(…)
Sur un plan supérieur, l’attention joue un rôle particulièrement essentiel dans les grandes créations artistiques et dans la découverte de vérités mathématiques et scientifiques. Dans les sphères encore plus élevées du monde spirituel et mystique, il est possible à certains moments, par une autre sorte d’attention — immensément plus consciente — d’avoir une connaissance directe et particulière du tout en même temps.
Il est primordial pour le chercheur de comprendre l’importance de son attention dans toutes ses luttes spirituelles, à la fois dans sa recherche de la réponse à l’énigme de son existence ainsi que dans le processus de sa transformation.
L’attention et son importance
La voie de la Vigilance Intérieure Chap 2
Swami Ramdas : Ram est la seule Réalité
/0 Commentaires/dans Hindouisme, La compréhension justeEssayer de s’approcher de Ram et de Le comprendre, c’est se retirer du monde des formes évanescentes, car Ram est la seule réalité.
Ram est la puissance mystérieuse et subtile qui pénètre et soutient l’Univers tout entier. Il n’a ni naissance ni mort. Il est présent dans toutes choses et dans toutes créatures, qui n’apparaissent comme entités séparées que grâce à leurs formes toujours changeantes.
Se libérer de cette illusion des formes, c’est réaliser immédiatement l’Unité, l’Amour de Ram.
L’amour de Ram, c’est l’amour de tous les êtres, de toutes les créatures, de toute vie, de tout ce qui est en ce monde, car Ram est en tout, tout est en Lui, et Il est tout en tous.
Pour réaliser cette grande vérité, il faut nous soumettre, nous qui, par ignorance, croyons être des personnalités séparées, à la volonté et à l’action de cette puissance infinie, de cet amour infini qu’est Ram, l’Un qui pénètre tout.
Par une soumission entière à sa volonté, nous perdons cette conscience du corps qui nous retient éloignés de Lui, et nous nous trouvons dans un état d’union complète et d’identification avec Ram qui est en nous et tout autour de nous.
Dans cet état, la haine qui n’est que la conscience de la diversité prend fin,et l’amour qui est la conscience de l’unité est réalisé. Nous atteignons cet amour divin lorsque notre humilité est si complète que notre affirmation de personnalité séparée, notre égoïsme est complètement anéanti
.Swami Ramdas Carnet de pélerinage
Ian Stevenson : Ou croit on en la reincarnation ?
/0 Commentaires/dans Mort et reincarnationLes Occidentaux pensent en général que seuls les Asiatiques croient en la réincarnation, particulièrement dans les régions du sud-est, probablement parce que les doctrines hindoues et bouddhistes ancestrales ont été traduites et publiées par des missionnaires chrétiens (en versions simplifiées dont la fiabilité laisse souvent à désirer).
Beaucoup d’autres habitants de notre planète croient en la réincarnation : Les chiites musulmans d’Asie Occidentale, tous les habitants d’Afrique occidentale ou orientale qui n’ont pas été convertis à l’Islam ou au Christianisme y croient. Une importante minorité de Brésiliens, les Indiens d’Amérique du Nord, les habitants des îles Trobrians, les tribus d’Australie centrale, les Ainus au Nord du Japon, etc..
Schopenhauer a écrit : Si un Asiatique me demandait de lui donner une définition de l’Europe, je serais forcé de lui répondre : « C’est cette partie du monde qui est complètement dominée par l’illusion incroyable et scandaleuse selon laquelle l’homme est un être sorti du néant et dont la naissance est le début absolu. »
Depuis l’époque de Schopenhauer, la croyance en la réincarnation s’est diffusée en Occident. À part quelques exceptions, presque tout le monde croit à la réincarnation en dehors des orthodoxies du judaïsme, du christianisme, de l’Islam et de la science (cette dernière étant devenue une religion séculière pour beaucoup de gens !).
Qu’elle soit écrite ou orale, la transmission d’une génération à l’autre de la croyance en la réincarnation n’explique pas son point de départ, qui pourrait avoir eu lieu de plusieurs façons.
D’après Platon, Socrate parlait des connaissances accumulées d’une vie à l’autre comme d’une certitude absolue.
Des peuples n’ayant aucune tradition écrite ni de contact avec d’autres peuples croient néanmoins en la réincarnation, on peut en conclure que le concept a été acquis grâce à « ceux qui se rappellent » et le racontent, et ce, probablement dans toutes les parties du monde où la tradition existe.
Il existe autour de la croyance fondamentale une grande variété de traditions subsidiaires portant sur la question de savoir qui se réincarne, par quel processus, comment une cause produit des effets à retardements sur les vies successives, etc.
Extraits de l’ouvrage de Ian Stevenson : « Les enfants qui se souviennent de leurs vies antérieures. »
Rabindranath Tagore : J étais allé mendiant de porte en porte…
/1 Commentaire/dans Hindouisme, La compréhension justeJ’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce Roi de tous les rois !
Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue. Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « Qu’as-tu à me donner ? »
Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.
Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le cœur de te donner mon tout ! »
Rabindranath Tagore:L’offrande