Maurice Nicoll : Ce que nous appellons le moment présent n’est pas « maintenant »

Aucune rêverie, aucune conversation, aucun développement de l’imagination ne contiennent ce maintenant, qui appartient à un ordre supérieur de conscience. L’humain temporel en nous ne connait pas maintenant. Il est toujours en train de préparer quelque chose pour l’avenir, ou occupé avec ce qui est survenu dans le passé. Il se demande toujours quoi faire, quoi dire, quoi porter, quoi manger, etc. Il anticipe, et nous, le suivant, nous arrivons à l’instant prévu, mais hélas, il est déjà ailleurs, planifiant toujours pour demain. Ceci est le devenir, où rien n’est jamais.
Nous devons revenir à nos sens pour commencer à sentir maintenant. Nous ne pouvons sentir maintenant qu’en suivant avec vigilance cet humain temporel qui pense l’existence à sa manière. Maintenant entre en nous avec un sens de quelque chose de plus grand que le temps qui passe. Maintenant contient tout le temps, toute la vie, et l’éon de la vie. Maintenant
est le sens d’un espace supérieur. Ce ne sont pas les décisions de
l’humain temporel qui compte ici, car elles ne naissent pas de maintenant.
Toutes les décisions qui appartiennent à la vie dans le temps, à la
réussite, aux affaires, au confort, concernent «demain». Toutes les
décisions concernant la bonne chose à faire, la façon d’agir, concernent
demain. C’est seulement ce qui est fait maintenant qui compte,
et c’est une décision toujours sur soi-même et avec soi-même, même si
son effet peut toucher « demain » la vie des autres. Maintenant est d’ordre spirituel. C’est un état de l’esprit, quand il est au-dessus du courant des associations temporelles.
Les valeurs spirituelles n’ont rien à
voir avec le temps. Elles ne sont pas dans le temps, et leur croissance
n’est pas une question de temps. Pour conserver l’effet de leur vérité,
nous devons lutter avec le temps, avec l’idée qu’elles appartiennent au
temps, et que le passage des jours va les augmenter. Car alors il sera
facile pour nous de penser qu’il est trop tard, de se donner l’excuse
préférée du temps qui passe.
Le sentiment de maintenant est un sentiment de certitude. En maintenant
le temps qui passe s’arrête. Et dans cette halte du temps, la
compréhension que nous avons a un pouvoir sur nous. On sait, on voit, on
sent, en soi-même, en dehors de toutes les choses extérieures, et
surtout, on est. C’est
l’état de foi, — comme je crois qu’il signifiait à l’origine — la
connaissance certaine de quelque chose au-dessus du temps qui passe. La
foi est maintenant.
Ce que l’humain temporel comprend de la
foi est quelque chose d’assez différent. La foi a à voir avec ce qui est
seul en soi-même et inconnu de quelqu’un d’autre. «Chaque état
visible, chaque approche temporelle, pragmatique de la foi, est, à la
fin, la négation de la foi» (Karl Barth). Toute perception intuitive,
toute révélation, toute illumination, tout amour, tout ce qui est
authentique, tout ce qui est réel se trouve dans maintenant —
et dans la tentative de créer la manière dont nous approchons la vie
intérieure, la partie la plus sainte de la vie. Car, dans le temps
toutes les choses sont en quête d’achèvement, mais dans maintenant tout est complet.
Living Time par Maurice Nicol
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