Jacques Lusseyran : notre destin se fait du dedans vers le dehors

On ne dit pas en quelques mots ce qu’a été un camp de concentration. Je n’essaierai pas de vous le dire. (../) Mais je n’étais pas un détenu comme les autres puisque j’étais aveugle. Il faut tout de même vous dire pourquoi j’ai survécu.

Parmi les deux mille français arrivés le même jour que moi à Buchenwald, il ne restait, lors de la libération de notre camp par la troisième armée américaine en avril 1945 que trente survivants. (…/)

Chaque fois que les spectacles et les épreuves du camp devenaient intolérables, je me fermais pour quelques minutes au monde extérieur. Je gagnais ce refuge où pas un kapo nazi ne pouvait m’atteindre. Je posais mon regard sur cette lumière intérieure que j’avais aperçue à huit ans. Je la laissais vibrer à travers moi. Et je constatais très vite que cette lumière, c’était de la vie, de l’amour. Je pouvais ouvrir à nouveau les yeux – et mes oreilles et mon odorat-sur le carnage et la misère. Je survivais.

Ne pas accepter cette explication – qui est la seule vraie-, c’est, il me semble, donner la preuve qu’on ignore ce fait à lui seul plus important que tous les autres : notre destin se fait du dedans vers le dehors, et jamais du dehors vers le dedans.

Jacques Lusseyran (1924-1971) La Lumière dans les Ténébres Ed Triades

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